Taruka, rencontre Jivaro (à propos)

Pendant plusieurs années , Pierre-Jérôme Jehel, photographe, et Pierre Salivas, musicien, se sont rendus en Équateur, dans le  » village » shuar de Taruka, à la lisière de la Colombie, en pleine forêt amazonienne.

 

Musée du Quai Branly

aperçu d’une « boîte » sonore au Musée du Quai Branly où sont diffusées depuis 2006 les musiques et images de ce travail avec la communauté shuar de Taruka

 

 

 

 

 

 

Si la démarche ethnologique est bien présente dans ce projet, puisque Pierre Salivas mène un travail d’ethnomusicologue, ce sont bien des liens d’amitié qui progressivement se sont tissés avec cette communauté d’indiens que l’on connaît mieux ici sous le nom de Jivaro. Leur approche tente donc à la fois de mieux comprendre un Autre, dont l’image a été fortement  » ensauvagée  » par notre imaginaire, et de faire partager cette rencontre à la fois extraordinaire mais finalement bien peu exotique avec ces « gens » d’Amazonie, puisque le terme « shuar » signifie « les gens » (pour une étude approfondie du groupe jivaroan, voir Les lances du crépuscules, Ph. Descola, Plon, 1993).
Dans ces portraits, les habitants de Taruka ont pris le temps de s’arrêter quelques instants. Ils sont venu poser avec calme et sérieux, pleinement conscients que ces images d’eux-mêmes seraient vues par beaucoup et pourraient traverser les frontières. C’est souvent avec gravité que chacun s’est présenté dans ce face à face, laissant paraître des visages concentrés et des regards pensifs. Cet ensemble de portraits fut réalisé à la chambre photographique, c’est-à-dire un appareil encombrant et qui ne passe pas inaperçu, mais aussi un dispositif qui demande du temps et un engagement de part et d’autre. Arrivant sur ces chemins boueux en lisière de foret, le voyageur qui s’attarde est vite pris pour un missionnaire ou un prospecteur de pétrole, il est donc impératif de gagner la confiance pour réellement entrer dans une démarche d’échange. Très vite l’appareil photo fait basculer dans un autre personnage, celui du touriste de passage en quête d’exotisme dont il faudra tirer profit, les écueils sont donc nombreux pour échapper à ces images plaquée sur l’étranger. La chambre photographique fût donc un moyen de placer la démarche photographique sur un autre registre: l’idée d’une collaboration, d’un échange. Ce choix se complète par l’utilisation du film polaroid, ainsi, les premiers destinataires furent les shuar de Taruka eux-mêmes, qui après chaque prise de vue, recevaient leur portrait: petit rectangle noir & blanc qu’ils observaient avec fascination. De cette première image je recueillais un négatif pour un tirage ultérieur.
L’autre approche concerne la musique, et à travers ce  » monde sonore », la mythologie . Étudier la « musique » shuar, révèle peu à peu une pensée structurée qui déborde souvent du strict cadre de ce que nous nommons « musique ». Contes peuplés de spectres ragoûtants, danses chantées, récits de vie, chants magiques, scansions accompagnées de hochet du chamane, rituels nocturnes où toute la communauté danse pour faire fermenter de la bière, … C’est cette extraordinaire diversité que l’on tente peu à peu de décrypter. S’il n’existe pas de terme en shuar équivalent de notre  » musique « , la coupure est très nette entre le parlé, chicham, et le chanté. Il faut aussi distinguer deux grandes familles de chants : les plus abondants sont de la sorte des nampet, ce qui signifie à la fois  » chanter  » ou  » boire de la bière pour chanter « , les autres, nommés anent – penser, aimer, se souvenir -, constituent des messages sonores qui ont une action sur le « cours des choses ». D’autres catégories sonores, vouées exclusivement à des rituels précis, sont très valorisée et jalousement gardés: les ujaj ( » avertir « ), chantés en choeur par les femmes lorsque les hommes sont en expédition de meurtre, ou les chants de l’uwishin, le chamane. Une analyse plus poussée sur ces musiques peut être consultée ici.
L’Association Anent Shuar qu’ils ont créée en 1993, a produit un disque distribué aujourd’hui par Buda Records dans la collection ‘Music of the World’, ainsi que de nombreuses expositions. (le disque peut être commandé en nous contactant)
Elle a d’autre part permis la création d’un collège bilingue (shuar / espagnol) sur place.
Leurs enregistrements et photographies sont aujourd’hui exposés parmi les collections permanentes du Musée du Quai Branly (espace musique). un article sur l’intégration de la musique au sein du MQB y présente ce travail.

quelques scènes de vie à Taruka

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marche en forêt pour ramasser du ‘timiu’ (ou barbasco), racine utilisée pour la pêche à la nivrée

 

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fabrication d’un toit végétal avec Veronica Shimpukta

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Pedro Entsakua joue du Tumank (flute) dans la maison commune

 

 

 

 

 

 

 

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